Les atouts de Kribi sont indéniables

Pour aller encore plus loin, le directeur général du PAK rassure quant à la finalisation de l’autoroute de desserte, la construction d’une zone logistique et industrielle et le parachèvement de la phase II du Port.


Patrice MELOM
Directeur Général du PAK

Entre le 02 mars et le 31 décembre, dix mois se sont écoulés sur le lancement effectif des opérations d’exploitation du Port de Kribi. Quel bilan d’étape pouvez-vous en faire ?

Il faut reconnaître que la période est un peu courte pour faire un bilan mais ce que je peux dire c’est le port fonctionne de façon de plus en plus convenable. Nous avons pu faire démarrer les activités commerciales ordinaires et, aujourd’hui, sur nos deux terminaux (polyvalent et à conteneurs), nous avons des opérateurs qui manutentionnent. Je voudrais d’ailleurs préciser à cet égard que les réalisations sont pratiquement au-dessus des prévisions. Du 02 mars, date de lancement de l’activité, au 31 décembre 2018, nous avons fait 264 escales. Et je pense que, que ce soit les manutentionnaires (Kribi Conteneurs Terminal et Kribi Polyvalent Multiple Operators), que ce soit nous-mêmes, Port autonome de Kribi, nous sommes mobilisés à chaque instant pour faire avancer la grande infrastructure qui a été mise à la disposition des Camerounais. A quoi il faudrait ajouter l’attrait qu’exerce progressivement ce port et son milieu environnant sur de nombreux investisseurs de tous profils, dont certains sont en cours d’installation.

 

De quels investisseurs parlez-vous, concrètement ?

Il faut dire au départ que ce que le gouvernement camerounais a décidé de créer à Kribi, c’est un véritable pôle de croissance économique. Donc, ça passe certes par le Port qui n’est au demeurant qu’une composante, mais aussi par une autre que nous appelons le parc logistique et industriel. Et là-dessus, on observe un engouement indéniable puisqu’à ce jour, on a déjà plus de 250 demandes diverses et j’ai déjà signé quelques 25 attributions d’espaces, des autorisations d’occupation temporaires (AOT). Ce sont tous des gens pressés de s’installer, qui pour créer un magasin, qui pour construire une usine. Je signale à titre d’exemple l’usine de traitement des fèves de cacao, déjà construite par Atlantic Cocoa Corporation (ACC), et dont les activités vont effectivement démarrer sous peu. Une usine qui, non seulement, va employer plus de 200 personnes de façon directe mais aussi, va peser positivement sur la production de cacao locale, puisqu’elle va raffiner dans un premier temps quelques 48 000 tonnes de cacao et passer, assez vite à 68 000. Ce qu’il faut retenir c’est qu’il y a un engouement certain en termes d’installation des investisseurs. C’est ce chantier que nous conduisons en ce moment, et qui va venir booster l’activité sur le Port.

 

Et sur le plan sous-régional, qu’en est-il : Kribi est-il devenu ou entrain de devenir la destination maritime qu’on nous promettait ?

Ce ne serait certainement pas exact de dire que Kribi est déjà une très grande destination. Mais je dirais avec confiance que Kribi est déjà pris en compte et que cela monte progressivement. Il est question de convaincre les armateurs que la destination Kribi est économiquement viable. Je dois dire que, sur ce plan, Kribi a des atouts naturels qui devraient attirer sans forcer ces armateurs ; je pense ici aux profondeurs naturelles que nous avons (-16 mètres par tous temps, ce qui est quand même l’une des meilleures, sinon la meilleure profondeur de la région), je pense aussi à la qualité même des infrastructures. Et il faut dire à cet effet que, c’est unanime : tous ceux qui visitent le Port, tous ceux qui viennent nous voir sont émerveillés par la qualité des infrastructures. Il faudra ajouter à cela, et nous sommes entrain de nous y atteler, une connectivité multimodale puisque, il faut le souligner, un port performant c’est aussi de bonnes routes, de bonnes autoroutes. Nous sommes de plus entrain de mettre sur pied une solution de cabotage entre les deux ports, entre Kribi et Douala. Ce problème de connectivité est donc entrain d’être réglé. Vous devez être au courant que le Chef de l’Etat a retenu le tronçon d’autoroute Kribi-Edea comme prioritaire. Le tronçon entre l’entrée du Port et Kribi (les 35 premiers kilomètres de cette autoroute) est achevé à 90%, pratiquement. Et sans vouloir nous en vanter, cela pourrait bien être la première autoroute à être prochainement livrée au Cameroun. Ajoutée à cela, la mise en place du parc logistique et industriel qui est bonne voie aussi, avec l’immense appui du gouvernement puisqu’il faut souligner que c’est le gouvernement qui assure les investissements pour le développement du Port. Nous sommes d’ailleurs à cet effet sur un projet aussi de création d’un parc industriel sur 500 hectares ; ce sera pour commencer. Il faut ajouter à cela que, sur le volet portuaire même, le gouvernement a déjà lancé l’extension du Port puisque, comme je viens juste de la dire, on a un navire pratiquement tous les jours sur chaque terminal, il faut donc songer à étendre la capacité de ce port, très rapidement.

 

Quelle est la principale caractéristique de trafic : d’où vient-il ? quelle est sa nature (est-ce du transbordement, de l’exportation) ?

Le trafic qui se met en place au Port de Kribi est pour l’essentiel un trafic de ligne ; c’est-à-dire que d’une manière générale, ce sont les mêmes navires qui reviennent régulièrement selon un planning qui doit être rigoureusement respecté. Toutefois, il n’est pas exclu que l’on reçoive des navires qui viennent de façon ponctuelle pour des opérations spéciales ou occasionnelles. Ce sont des navires qui font du « Tramping ».

S’agissant de son origine, pour l’instant, il vient essentiellement d’Europe et d’Asie (Moyen et Extrême Orient). Mais on ne devrait pas tarder à recevoir du trafic d’Amérique (du Nord et Latine), car notre Port est certifié ISPS ; cela veut dire que nous pouvons commercer directement avec les Etats Unis d’Amérique. Quant à la nature des opérations, il y a beaucoup de transbordement sur les navires feeders qui reprennent des conteneurs vers des ports voisins tels que Douala, Port-Gentil, Libreville, Matadi etc… Il y ‘a naturellement des opérations d’Import et d’Export qui se font. Toutefois, il convient de préciser que sur le terminal polyvalent, ne se sont faites jusqu’à présent que des opérations d’Export de biomasse en vrac et de bois en grumes.

 

Existe-t-il, cependant, des services sur lesquels votre performance est à parfaire ?

Tous les services fonctionnent bien, il faut le souligner. La limite que nous avons cependant est celle de la mise en place des infrastructures connexes dont les importateurs et d’autres opérateurs ont besoin pour travailler. Oui, il nous faut des magasins, pour accroître les capacités de stockage ; ça nous manque beaucoup. Nous y travaillons et avons indexé à cela des projets d’une certaine envergure, notamment sur la connectivité, la desserte sur laquelle, je l’ai souligné, le gouvernement est très engagé. Aujourd’hui, au Port, nos n’avons plus de souci d’autoroute puisque nous savons que le gouvernement va finaliser celle qui est en construction là. Nous réfléchissons aussi déjà à la solution complémentaire du rail, qui devra se mettre en place puisque vous savez très bien que l’une des vocations premières du Port de Kribi c’est l’exploitation des minerais. Et l’exploitation des minerais ne se fera pas par la route, mais bien par le rail.

 

Et qu’en est-il du fameux complexe industrialo-portuaire, dans sa réalisation ?

Le Port de Kribi, ne l’oublions jamais, est l’héritier du Complexe industrialo-portuaire (CIPK) qui comprend plusieurs composantes interreliées, devant se développer, phase par phase. Aujourd’hui on peut dire qu’on a achevé la première phase du port. Cela ne veut pas dire qu’on ne travaille pas sur les autres composantes. Et, en deuxième phase, nous avons d’abord une extension sur le port (en deuxième lieu, la mise en place d’un parc industriel et logistique (ça c’est la phase industrielle), l’autoroute qui remonte sur Edea et qui est la composante infrastructure (ses études sont terminées, ne restent plus que ses financements) et nous allons continuer de travailler sur la composante urbaine. C’est dire que le gouvernement reste dans cette logique-là, et tout le monde comprend bien que toutes ces composantes-là doivent se développer, en même temps, pour que le Port soit homogène et cohérent dans sa physionomie et son développement. Chaque phase est liée à l’autre, je le répète et tout cela doit aller progressivement.

 

Sur le terminal polyvalent, quels sont les raisons qui ont incliné au choix de KPMO comme opérateur de ce terminal ?

C’est d’abord une question de compétence, tout à fait logique. Les membres de KPMO font environ 80% du trafic sur le terminal polyvalent à Douala. Ils y ont développé une grande expertise. Il faut à cet égard comprendre la régie comme l’autorisation qui est donnée par le gouvernement au Port autonome, pour gérer lui-même. Il a pour cela le choix : il peut lui-même recruter du personnel pour manutentionner, mais il peut aussi choisir de s’appuyer sur un sous-traitant, chose que nous avons faite. Donc, là-dessus, les critères sont purement internes : nous évaluons le sous-traitant, nous connaissons ses qualités et signons un contrat avec lui pour travailler ensemble. En réalité, c’est le Port autonome qui gère le terminal polyvalent et il s’est allié à KPMO comme sous-traitant, en attendant la sélection formelle d’un opérateur sur ce terminal, selon les procédures déterminées par la loi. Donc, pendant la période transitoire, il fallait quand même un opérateur pour agir sur ce terminal puisqu’il n’aurait pas été logique de le laisser sans activité pendant une plus longue période.

 

A quand, réellement, le lancement des travaux de la Phase II du Port ?

Les gens attendaient un lancement officiel des travaux de la Phase II. Ce n’est pas le choix que nous avons fait. Mais il faut bien vous dire que les travaux ont commencé, en réalité. Ils prendront entre trois et quatre ans, et soyez assurés qu’ils vont bien se dérouler. Nous sommes d’autant plus contraints de réaliser ces travaux que, comme je l’ai relevé plus haut, l’activité autour des installations actuelles se développe bien plus rapidement que nous ne l’avions anticipé. Si on n’y prend garde, on pourrait donc se trouver débordé assez vite. C’est vraiment à ce titre que cette construction est importante parce qu’elle permet au Port de Kribi de se déployer pleinement et de réaliser à la fois l’ambition et le projet que lui a donné le Président de la République.