C’est désormais un fait dont doivent plus que jamais tenir compte les acteurs camerounais de la logistique, des transports et de l’industrie maritime : Congo et RCA se sont engagés à sécuriser et rendre plus fluide la circulation des marchandises le long du corridor multimodal Pointe-Noire-Brazzaville-Bangui. Le document signé vise notamment à faciliter et promouvoir le transit des marchandises entre les deux pays, à partir du port autonome de Pointe-Noire, à travers le Chemin de fer Congo-Océan, le corridor routier via les routes nationales 1 et 2, ainsi que par bateau, à partir du fleuve Congo.
« Nos deux pays sont intimement liés par l’histoire et la géographie. Il faut donc aménager cet espace communautaire pour favoriser la mobilité des biens et services. Il s’agit de faire voyager librement les personnes, les biens et les capitaux, afin de susciter une valeur ajoutée au processus d’intégration de notre sous-région », a précisé le ministre centrafricain, Théodore Jousso.
Selon les termes de l'accord, le Congo et la République centrafricaine (RCA) s’engagent, entre autres, à maintenir la liberté de transit des marchandises à destination ou en provenance de l’un ou l’autre Etat, mais aussi à faciliter le passage aux frontières et la libre circulation sur leurs territoires respectifs.
Conscients des enjeux économiques que procure le transit entre les deux Etats, les deux parties ont réaffirmé leur engagement à soutenir la mise en œuvre de la politique d’intégration de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale et de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale, à travers le développement des infrastructures routière, ferroviaire et fluviale.
Il faut dire à cet égard que les questions autour de la facilitation du passage des marchandises par les ports camerounais de Kribi et de Douala sont devenues des plus préoccupantes dans l’industrie portuaire nationale. Chose qui illustre cette signature de convention entre le Congo et la RCA, et qui vient résonner comme le signe de routes alternatives qui se mettent en place ici et là progressivement. Ainsi, explique par exemple Gabriel Manimben, directeur général de l’Agence des prestations maritimes, « les navires qui partent de Chine ou de Dubaï arrivent à Port Soudan entre 10 et 15 jours les marchandises à destination de Ndjamena y sont transportées dans des camions ayant des capacités de chargement jusqu’à 60 tonnes, ce qui rend du coup le prix de transport moins chers que celui en provenance du Cameroun où le transit-time sur Douala est, pour sa part, de 30/35 jours si on y ajoute les délais et les coûts de passage au port et dans le corridor sur camions ne pouvant transporter plus de 32 tonnes ». En fait, poursuit-il, « le commerçant qui importe via port Soudan reçoit sa marchandise après 21/25 jours de l’embarquement contre 40/45 via le port de Douala ». Il est donc impératif, que tous les acteurs du secteur portuaire, tant à Yaoundé qu’à Kribi se mobilisent pour faire de la question de la facilitation du passage des marchandises, un enjeu de tout premier plan dans les années qui viennent.
200 Mds F. CFA
Selon Cyrus Ngo’o, directeur général du Port autonome de Douala (PAD), la question de la facilitation des procédures est centrale pour l’avenir de la façade maritime camerounaise, dans son ensemble. Car, relève-t-il, les dysfonctionnements qui y arrivent peuvent quelques fois des conséquences parmi les plus lourdes. Ainsi, fait-il remarquer, la côte et les corridors nationaux ont perdu plus de 600 000 tonnes de marchandises, depuis 2014. Même si la chute des prix du pétrole y est pour quelque chose, souligne-t-il, « il n’en demeure pas moins vrai que cette perte représente quelques 200 Mds F. CFA, prestations portuaires et transports compris ». Si on s’en tient aux plaintes des transporteurs, ces 600 000 tonnes équivalent 20 000 conteneurs EVP ont déserté les corridors camerounais à cause, en grande partie des tracasseries diverses qui coûtent environ 140 000 F. CFA par voyage, soit 2 Mds F. CFA entrés dans des poches indues. En clair, le tissu économique nationale a perdu quelques 200 Mds F. CFA sur l’autel d’intérêts individuels, en trois ans.